Neuromarketing ou neuromanipulation ?
11/12/2014 16:27
Le neuromarketing est un terme qui fait de plus en plus rêver les marketeurs d’aujourd’hui, leur ouvrant la voie à de nouvelles possibilités de toucher plus profondément leurs cibles et de leur offrir une expérience client à la hauteur de leurs attentes. Cependant, peu de marques exposent au grand public leurs expérimentations avec les neurosciences et les bénéfices qu’ils en tirent. Aucune en France ne reconnait s’en servir, alors pourquoi tant de mystère ?
Cela peut s’expliquer par différents facteurs. Tout d’abord, de nombreux neuroscientifiques ont voulu établir des relations entre les comportements du consommateur et certaines réactions provoquées par la stimulation du cerveau. L’utilisation de la technique EGG- qui mesure l’activité électrique du cerveau à l’aide d’électrodes –a permis à certains de mesurer l’attention, l’émotion et la rétention de mémoire de cobayes. Ils ont alors avancé le fait qu’une activité émotive développait l’intention d’achat des consommations ainsi que « l’awareness », que la mémoire allait également dans le sens de l’intention d’achat mais aussi l’attrait pour la nouveauté, et enfin que l’attention était liée lui aussi à cet attrait pour la nouveauté et à « l’awareness ». Or, il est important de préciser qu’aucune preuve scientifique n’existe pour affirmer ces conclusions. C’est pourquoi beaucoup critiquent cette nouvelle utilisation des neurosciences au service du marketing.
En effet, il se trouve que la réputation de ce dernier n’a pas bonne presse et se voit souvent accuser de manipulation envers les consommateurs. Bernard Stiegler, philosophe français qui axe sa réflexion sur les enjeux des mutations actuelles, à récemment exprimé son amertume envers le neuromarketing. « Les neuromarketing est aujourd’hui un business. Les neurosciences, au service de quoi ? De la captation de l’attention des individus pour piloter leur comportement par les mécanismes les plus primaires qui existent, chez les reptiles, c’est pour ça qu’on parle du cerveau reptilien. Et je suis sutpéfait par l’inanité du discours que j’entends la dessus », déclare-t-il sur le plateau de Ce soir ou jamais le 20 mars 2012. Il fait en partie référence ici à la quête des entreprises du « bouton d’achat » qui se trouverait quelque part dans nos cerveaux. Certains, bien que n’étant pas en accord avec les propos de M. Stiegler vont encore plus loin en s’en prenant à la nature même du marketing. Olivier Oullier, professeur en neurosciences à l’université d’Aix-Marseille, déclara lors d’une interview pour Libération le 13 mai 2012 que ce fameux bouton d’achat n’existe pas et que l«on n’a pas attendu l’imagerie cérébrale par résonance magnétique pour manipuler les gens et leur faire acheter ce qu’ils ne voulaient pas ou ce qu’ils ne connaissaient pas. C’est le propre du marketing que de les influencer ou de les manipuler - on peut jouer sur les mots -, de leur faire adopter des décisions qu’ils ne voulaient pas prendre».
Alors que penser de tout ça ? quelles sont les limites et dangers du neuromarketing et doit-on en avoir peur ? Neuromarketing ou neuromanipulation, le débat est ouvert.