Interview Mme Bernadette LECERF-THOMAS
11/12/2014 16:39
Interview Mme Bernadette LECERF-THOMAS - Auteur de NEUROSCIENCES ET MANAGEMENT, le pouvoir de changer, ACTIVER LES TALENTS AVEC LES NEUROSCIENCES - Du talent individuel à l’intelligence collective.
1) Pouvez-vous nous donner une définition de ce que sont les neurosciences?
Les neurosciences c’est une science qui a émergé dans les années 50/60, qui vient de la neurologie, de la biologie. C’est une science de l’étude du cerveau et du système nerveux du règne animal. L’homme est un animal social, un mammifère. Tout ce qui est animal est humain. Cette science tente de comprendre les mécanismes qui sont à l’œuvre, aussi bien génétique, mécanique, idéologique, physique.de façon à pouvoir soigner les maladies.
Le nombre de personnes qui ont des problèmes de santé liés au cerveau ou au système nerveux est considérable et aujourd’hui le soin qu’on leur apporte, mais le véritable problème c’est que l’on ne sait pas les soigner. Par exemple Alzheimer, une maladie de la dégénérescence cérébrale, on ne sait pas la soigner aujourd’hui. On peut citer aussi les maladies psychiatriques que l’on va pouvoir mieux soigner, sur lequel on va pouvoir agir mieux. Ceci est le premier objectif des neurosciences.
Le second, les neurosciences qui peuvent ensuite nous conduire à une autre pédagogie, un autre relationnel dans les organisations, il y a toutes sortes de champs qui sont concernés et le marketing est un des champs qui est concerné.
La finalité des neurosciences ce n’est pas le marketing. Le marketing de tout temps s’est toujours intéressé aux innovations et à ce qui pouvait utiliser pour progresser.
Donc les gens de marketing, quand ils ont vu les travaux des neuroscientifiques, ils s’en s’ont saisi parce que cela les intéressaient.
2) Comment cette discipline à donner naissance au neuro marketing ?
Les gens marketing ont vu qu’on pouvait observer des choses sur un cerveau et ils se sont servis de ça pour mieux travailler. Dans le marketing depuis des années et des années, on observe le comportement des consommateurs, là on a un outillage supplémentaire qui s’avère très performant.
3) Quelles sont les forces et les faiblesses du neuromarking ? Dérives ? Sur-utilisation? Pouvez nous donnez un exemple de neuromarketing réussi?
Les forces c’est que cela permet d’observer des choses que l’on n’observait pas avant. Par exemple, avec l’étude Pepsi contre Coca Cola. Première phase de l’étude, on fait goûter les boissons avec les yeux bandés et on leur demande ce qu’ils préfèrent. Résultat, ils préfèrent le Pepsi. Après, quand on leur montre l’étiquette, ils préfèrent la marque.
On va voir des activations cérébrales différentes, ils ne voient pas la marque c’est juste les zones du goût qui s’activent. Or, quand ils voient la marque, ce ne sont pas non seulement les zones du goût qui s’activent mais aussi la zone de l’affectivité, du lien et de l’attachement.
Et si Coca-Cola, « ramasse » le morceau car il a su communiquer sur sa marque auprès de ses populations et donc il a su créée un attachement. On voit bien que lorsque les marques font des tests, si vous ne créez pas la relation affective à la marque qui est essentielle. Ca permet de savoir des choses que l’on sait déjà mais à quel point elles sont importantes.
Mais il faut savoir, qu’il y a plusieurs techniques utilisées en neuromarketing, l’IRM fonctionnel qui permet d’observer le cerveau, est interdit en France. Les marques qui souhaitent faire des études sont autorisées en Belgique et en Angleterre.
Alors on peut aussi observer le cerveau avec l’électro encéphalogramme, cela coûte moins cher, il suffit de mettre un casque avec des électrodes sur le cerveau de chacun. On peut observer des mouvements à l’intérieur du cerveau et permettent détecter si il y a une sensibilité à tel ou tel endroit, face à ses réactions.
Alors, il peut y avoir des dérives et des sur-utilisations mais ca c’est vrai de tout, il peut y avoir de la sur-utilisation mais cela leur coûte plus cher. La dérive ça sera quand on manipule d’une façon malveillante. Tout dépend si le consommateur est volontaire et si cela est intrusif.
Par exemple, lorsqu’une marque de bonbons teste son produit sur les femmes enceintes et leurs enfants. Le résultat peut-être aussi bien positif, l’enfant aimera et consommera cette même marque de bonbons. Au contraire, l’enfant peut ressentir du dégout face à ce produit. On est prévisible mais dans une certaine mesure, pas totalement. On est dans la complexité, quand vous faites des études comme ça ce n’est pas 100% de la cible qui réagit de la même façon. Après on voit à se faire peur et est-ce qu’il y a beaucoup de gens qui vont accepter de se faire observer en mangeant des bonbons pendant 9 mois. Il peut y avoir des dérives mais il n’y a pas besoin des neurosciences pour cela.
Mais il est certain, que les neurosciences peuvent être utilisées à des fins de manipulation, comme tout. Après, il faut qu’il y est des règles mais comme partout, comme en France le comité éthique n’autorise pas l’utilisation de l’IRM en France, en l’état actuel des connaissances et des dispositions techniques il n’était pas souhaitable que ces appareils soient accessibles pour le commerce.
Il faut aussi faire attention au mot manipuler, il faut regarder sa définition. Dans certains métiers, communiquer c’est manipuler. A chaque fois que l’on fait la communication d’un produit, c’est tenter le consommateur d’acheter le produit. Sauf que vous faites cette manipulation avec une éthique et un cadre réglementé. Par exemple, la publicité Lotus, avec le bébé qui prend le papier toilette en disant « maman », elle était autorisée il y a de ça 30 ou 40 ans. A un moment on a considéré que le papier toilette n’était pas spécifique des enfants et l’on a interdit que l’enfant touche le produit. Il a fallu que Lotus refasse ses spots TV avec un enfant qui crie maman mais qui ne touchait pas le produit. On reste toujours dans une manipulation, on tente de créer du lien affectif avec la marque, l’enfant et la maman.
C’est une manipulation dans les règles éthiques, on essaye d’influencer la représentation d’autrui à son profit. Mais le mot « manipuler », n’est forcément malveillant. On peut l’entendre de différentes façons, celle du communicant et celle de l’ostéopathe et du sculpteur qui transforme une forme au profit d’un message.
5) Les neurosciences et le neuromarketing doivent-elles devenir accessibles à toutes les marques ou doivent-elles rester accessible qu'à une petite "élite" de marques? Avec les neurosciences et le neuromarketing, peut-on parler de manipulation et dire que le consommateur est manipulé ?
Principe d’égalité, elles sont accessibles par toutes les marques après c’est juste une question de moyens. Aujourd’hui toute le monde peut faire des études consommateurs, tout le monde ne le fait pas car ils n’ont pas les moyens ou parce qu’ils n’ont pas compris l’intérêt qu’elles présentent. Mais après, je ne vois pas pourquoi on permettrait à certains mais pas à d’autres. Alors après, on peut dire que cela est interdit pour l’alcool et le tabac mais autorisé pour l’hygiène et la santé.
Si les marques de fast-foods utilisent le neuromarketing et les neurosciences n’engendrent pas que des dérives mais aussi des avantages, les marques peuvent s’en servir pour réguler leur taux de sucre et de gras dans leurs produits.
La marque qu’elle soit petite ou grosse a le droit, après tout dépend du secteur où elle est.
Avant qu’on appelle cette discipline, le neuromarketing on appelait cela des études avec des vitres sans teint, des questionnaires sur le packaging, des interactions… Ce n’est pas nouveau. Maintenant on appelle ca neuromarketing car on utilise des outils d’une catégorie nouvelle et pointue, mais le consommateur devant un produit cela existe depuis que l’on fait des packaging, toujours dans l’observation du consommateur.
6) D'après vous, les neurosciences sont-elles l'avenir des marques?
Alors, si vous me demandez si les neurosciences influencent et influenceront l’avenir des marques. Je commence à savoir répondre. La finalité du neuromarketing c’est de vendre mieux de faire des produits plus adaptés, de faire des positionnements plus pointu, de faire évoluer le produit par rapport aux gouts des consommateurs. A partir du moment où vous avez un outil pointu, vous créez des produits plus pointus.
Cela va influencer le développement des marques et des produits mais ce qu’il faut savoir c’est que tout cela est relatif car nous sommes dans un monde où le consommateur va être plus mature, qui eux connaîtront mieux comment on les piègent, on les charment, on les séduits et apprendront à mieux se défendre.
La connaissance du cerveau humain va transformer les connaissances des individus. La marque va pouvoir s’améliorer mais le consommateur va aussi pouvoir être exigeants et critiques.